Dexter Dex Tao
Dans quel état j'erre...?
TO BE OR NOT TO BE... Telle est la question. Peut-on encore dire : "Je suis ceci" sans ajouter un "mais"? Et le verbe dire: a-t-il encore un sens , ou n'est-il qu'un reliquat obsolète d'une époque où les moustachus avaient une moustache, les épiciers une blouse, et où l'on était Madame machin et non la "compagne"d'untel.
On vit à une époque où tout est ailleurs que là où on le voit et que c'est bien nous qui le voyons. Prenez n'importe quel dîner en ville : le journaliste est en fait, un écrivain, l'écrivain est un poète qui fait des romans alimentaires, le publicitaire est un graphiste planqué et le graphiste revendique une formation d'architecte - bien qu'il prenne, ces temps-ci, des leçons de comédie. Naturellement, un architecte affirmera à son tour être peintre, ce à quoi un peintre répliquera que se dire peintre, ça n'a plus de sens, aujourd'hui. Sauf pour la designeuse de mode qui, ayant un coup dans le nez, dira à la cantonade qu'elle , n'a jamais fait de vêtements, mais à toujours travaillé en coloriste (sans doute un nouveau métier, que quelqu'un d'autre, dans un autre dîner, est en train de jurer ne pas pratiquer) "je suis scénariste", me disait l'autre jour un standardiste avant d'ajouter; "l'avantage, c'est que ça ne voit pas".
© Ariane Smolderen
"Une nouvelle coutume néo"-"je n'y suis pas" fait également fureur dans la gentry: le Name Forgetting. Elle consiste à faire du Name dropping sans en avoir l'air; "_j'étais avec... tu sais, cette femme qui..." Ou "il paraît que c'est vous le grand écrivain que j'ai vu à la télévision?"
Qu'est-ce qui ce passe? Qu'est-ce qui ne va pas? Y a t-il un problème à être ce qu'on est, et là où on se trouve? Apparemment, oui, si j'en juge par les ravages faits depuis quelques années par cette fusion ahurissante entre Hypocrisie et Schizophrénie.
D'autres exemples? Les phrases suivantes vont sans doute faire apparaître dans vos esprits les portraits d'êtres familiers.
Ou, au moins, croisés ici ou là dans les recoins de notre époque, si éprise de masochisme; "j'ai un portable mais je ne l'allume jamais, "j'ai la télé mais je ne la regarde pas" (c'est vrai que, comme meuble, c'est plutôt intéressant), "j'aime pas les marques, d'ailleurs, ça fait des années que je mets le même Levi's". Récemment, quelqu'un finissant une conversation sur son portable a même eu l'audace de me le tendre en me demandant, l'air faussement désespéré; "comment on éteint? " Non mais! "c'est le tien non!!!
Toi , CA TE RAPPELLE QUELQU'UN?
En fait, tout ça a un nom; la GENERATION FAUX CUL. Une portée gâchée d'allumeurs incapables de dire précisément où se trouve leur postérieur, que l'idée d'en avoir un les rends insomniaque. "WHERE IS MY ASS ??? GENERATION LOST".
Tout indique que ce qu'on fait est désormais plus important que ce que l'on est. On est surtout pas "quelque chose" , mais on "fait plein de trucs". Pourtant , c'est agréable d'être quelque chose et encore plus d'ÊTRE QUELQU'UN.
Promis, ça vaut franchement le coup. A la devise "JUST DO IT ", on est toujours tenté de répondre; "Do What?", et, à l'injonction permanente de "le FAIRE" on pourrait apposer un petit préalable: avant de faire. Sinon on empreinte un autre chemin... OU... Plusieurs rêves sont toujours réalisables... Oui... Oui...
© Ariane Smolderen
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